Tunis le 30 Juin 2018
Colloque sur le Conseil de Sécurité en
prévision de la Candidature de la Tunisie en qualité de membre Non- Permanent
(2020/2021)
organisé par
L'Association des Anciens Ambassadeurs et
Consuls Généraux de Tunisie
Eléments pour une intervention:
L'entrée de la Tunisie
au Conseil de Sécurité pour servir en qualité de membre non permanent pour la
période 2020/2021, vingt ans après notre dernier tour au cours de la période
2000/2001, constitue à mon sens une occasion pour nous de nous arrêter un
moment sur l'évolution qu'a connue la scène politique internationale ces
dernières années et voir dans quelle mesure notre politique étrangère doit
appréhender cette évolution.
Cette évolution nous
permettra également de savoir si le Conseil de Sécurité et l'Organisation des
Nations Unies d'une manière générale seraient encore les lieux idoines au sein
desquels il nous est toujours possible d'exprimer nos préoccupations en matière
de paix et de sécurité internationales dans leurs connotations les plus larges.
S'il serait toujours possible d'y défendre la légalité internationale telle que
spécifiée dans le droit international et énoncée dans la Charte des Nations Unies et
enfin statuer sur l'état de santé de ces Organisations et notamment l'ONU et son
Conseil de Sécurité afin de voir si ces instruments qui ont géré les affaires
du monde tant bien que mal pendant plusieurs décennies, sont toujours à même de
pouvoir jouer pleinement leur rôle au cours de cette ère où l'unilatéralisme
revient en force.
Déjà au cours de la
période 2000/2001 alors que la Tunisie était membre non permanent du Conseil de
Sécurité, les Tours Jumelles perçues depuis longtemps comme étant
l'illustration de la puissance économique américaine se sont effondrées entrainant
dans leur sillage le système régissant les relations internationales. La
résolution 1373 (2001) traitant de la lutte contre le terrorisme, présentée par
les Etats Unis a été négociée et adoptée sans difficulté, alors que la
Commission Juridique de l'ONU peinait sans succès depuis plusieurs années à trouver une définition au
terrorisme. La tragédie du World Trade
Center vient juste après la Guerre du Golfe, sa "tempête du désert" et son chapitre "liberté pour
l'Irak" (2003): ces drames qui ont secoué l'Amérique et le monde entier
ont constitué les ingrédients de base de ce qui s'est appelé "le chaos créatif" (the crative chaos) dont l'objectif est la reconfiguration du monde qui se matérialise
de jour en jour.
Cette mise en place
sommaire est en fait destinée à montrer que notre monde change de jour en jour
alors que l'ONU perd du terrain et le Conseil de Sécurité est ou instrumentalisé
plus qu'auparavant ou tout simplement mis en marge des grandes décisions .
* L'ordre du jour du Conseil de Sécurité compte quelques cinquante
points y compris les questions thematiques
* En prévision de notre entrée au Conseil, il importe de faire un
état des lieux sur certains de ces points et de définir une position qui tienne
compte d'abord et bien entendu des intérêts supérieurs de notre pays tout en
étant au diapason de la nouvelle donne
internationale après l'unilatéralisme évident prôné par le Président des Etats
Unis et sa manière de bousculer les acquis multilatéraux et rendre dans
certains cas non opérationnelles les références onusiennes sur certaines
questions phares de l'ONU
* De très nombreuses questions à l'ordre du jour du Conseil nécessitent
ainsi une nouvelle relecture de notre part, afin de voir dans quelle mesure ajuster notre
discours ou le maintenir en l'état et dans quelles proportions l'adapter éventuellement, sachant que même si
nous serions élus sur la région Afrique tout en étant l'unique membre arabe du
Conseil, il nous faut également tenir dûment compte du fait que nous sommes
tout d'abord la Tunisie (ses intérêts intrinsèques, son appartenance
sous-régionale, ses obligations au regard du droit international et de la légalité
etc...)
Dans cette optique certaines questions inscrites à l'ordre
du jour du Conseil peuvent être revues étant donné l'évolution de la nouvelle
dynamique les concernant:
* la question
palestinienne et son large référentiel historique qui semble connaitre ces
derniers temps les pires manipulations . Qu'en sera -t-il des fameuses
résolutions 242, 338, 181 et la 185.
qu'en sera-t-il de tout le référentiel du processus de paix et des droits
inaliénables du peuple palestinien dont les colonies, Jérusalem... etc...
* la question syrienne
dont le Conseil est saisi, les interférences et ingérences et les menaces qui
guettent l'intégrité même de ce pays...
* la question libyenne qui
a encore devant elle tout le temps et les ingrédients pour perdurer et revenir
sûrement au Conseil sous d'autres
paramètres...
* Le Yémen victime, non
pas uniquement des HOUTHIS qui se sont, tout au long de l'histoire épiléptique de ce pauvre pays qui
s'est accommodé avec les alliances et contre-alliances du moment mais surtout
victime de sa position stratégique sur le Golfe d'Aden, surplombant et
contrôlant l'entrée de la Mer Rouge et sa possession de l'Ile de Sokotra
convoitée...
* La question des eaux du
Nil que d'aucuns s'attendent à ce qu'elle soit traitée en tant que question de
paix et de sécurité internationale plutôt qu'une question se rapportant à la
Convention traitant des eaux fluviales internationales qui n'a pas su la gérer
faute d'instruments coercitifs, mais aussi faute de volonté de la part des pays
concernés (Egypte, Soudan, Ethiopie, Ouganda.. tous arabes et africains)
Pour ce qui est de la Présidence du Conseil, il convient
d'y songer dès à présent car pendant tout le mois de la Présidence, la Tunisie
sera à la tête de la plus importante institution planétaire et doit de ce fait
s'illustrer en tant que pays constamment attaché à la légalité internationale,
prônant le respect des principes contenus dans la Charte et adepte de la
solution pacifique des conflits par la négociation.
Il importe à ce sujet de rappeler que pendant notre mandat
au Conseil au cours du mois de Février 2001, nous avons, à cette époque, mis
sur la table du Conseil les questions africaines afin de les faire évoluer.
Nous y avons invité le Président Joseph Kabila, le Président Kagamé tout en
traitant bien entendu les questions dont les échéances sont venues à terme au
Conseil (Sahara Occidental, Palestine ...)
Nous avons également organisé un débat inédit au Conseil
entre les Nations Unies et les Organisations sous régionales dans la perspective
de coordonner leurs actions au service de la paix et du développement.
Pour ce qui est du sujet thématique, qu'il est de coutume
que chaque pays membre du Conseil propose lors de sa
présidence du Conseil en Février 2001. Nous avons suggéré un sujet se rapportant à "la consolidation
de la paix: vers une approche globale" traitant des différents paramètres devant
entrer en jeux pour la consolidation de la paix. Il importe de souligner que
vingt ans après, ce sujet reste d'actualité
Le débat auquel plusieurs délégations membres et non
membres du Conseil avaient pris part, a fait l'objet d'une Déclaration
Présidentielle adoptée par le Conseil ( S/PRST/2001/5). Le thème
a été auparavant présenté dans un document de travail que notre délégation a
négocié avec les membres du Conseil et
notamment du Caucus des Non Alignés et publié en tant que document du Conseil
de Sécurité (S/PV 4272)
Il faut reconnaitre que lors de notre passage au Conseil de
Sécurité au cours de la période 2000/2001, la conjoncture n'était pas aussi
épileptique que de nos jours et qu'il suffisait la plupart du temps de nous
replier sur nos positions de principes notamment à l'égard des grandes
questions tout en participant activement aux négociations , en restant en
contact avec les pays concernés (Liban :ligne bleue, Palestine :
développement de la question, Sahara Occidental : rapprochant les
positions entre les différentes parties). Il est
évident que le bon sens et le référentiel de la légalité internationale guidaient
notre démarche.
Aujourd'hui, d'autres paramètres sont entrés en jeu, un
nouveau "mode d'emploi" pour la résolution des conflits vient
bousculer les règles sacro-saintes du système, de nouvelles pseudo-puissances
ont tendance à vouloir devenir des opérateurs internationaux extra-légalité,
alors que les organisations internationales dont le Conseil perdent de leur
aura et surtout de leur efficacité. C'est pour cette raison qu'un nouvel examen
de certaines questions d'intérêt national et régional devrait avoir lieu car il
ne serait pas étonnant que lors de notre présence au Conseil, certaines de ces
questions seraient amenées à être traitées ou validées par le Conseil
(Palestine, Libye, Yémen, Sahara Occidental, Iran...)
Le rôle de
la Tunisie sera d'autant plus observé car au cours de la période 2020/2021, l'on
ne doit pas s'attendre à ce que le Caucus des non alignés tel qu'il sera
composé soit une réelle caisse de résonance pouvant faire écho aux position de notre pays sur
certaines questions et notamment la Palestine, la Libye...
Les pays membres non
permanents dont certains configureront le Caucus des non alignés avec lequel la
Tunisie auront à siéger au Conseil pendant les années 2020 et 2021 seront à ce
stade:
en 2019/2020 :
la Belgique, l'Afrique du Sud, l'Indonésie,
l'Allemagne, la République Dominicaine
en 2020/2021:
la Tunisie, Saint-Vincent et grenadines, Roumanie ou
Estonie, Vietnam, Ghana ou Libéria
A rappeler qu'en 2000 / 2001, la Tunisie a
siégé avec :
le Bengladesh, la Colombie,
l'Irlande, la Jamaique, le Mali, Maurice,
la Norvège, Singapour et l'Ukraine. Avec ces pays, la coordination était
permanente et l'engagement très solide vis à vis des questions politiques et
thématiques traitées par le Conseil au cours de cette période
Je crois que des pays comme le notre auront toujours besoin
d'une ONU et d'un Conseil de Sécurité mêmes imparfaits et c'est pour cette
raison que notre passage au Conseil de Sécurité doit, comme au cours des
passages précédents, rester dans les annales onusiennes, un passage raisonné,
fidèle à l'image que la communauté internationale se fait de la Tunisie.
Othman JERANDI
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