Pour qu'un détenteur du Prix Nobel ne devienne pas un criminel contre l'Humanité
Nul ne peut rester aujourd'hui insensible face aux péripéties douloureuses de ce drame que vit la minorité Rohingya au Myanmar. Des exactions, des tueries et des massacres systématiques et sans discrimination aucune sont menés quotidiennement et depuis plusieurs années contre cette minorité ethnique et religieuse sous un silence international inquiétant et peu glorieux.Au pays de Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix en 1991, désormais Premier Ministre dans la nomenclature politique actuelle, se revendiquant de la lignée de Ghandi dans sa lutte non violente pour la paix et la démocratie mais malheureusement, aujourd'hui spectatrice insensible à ces massacres, le drame n'est encore que plus intolérable. Car de tels drames où qu'ils soient et quels que soient leurs motifs et leurs auteurs inquiètent encore plus quand les organisations internationales, les Hommes d’Etat, les médias et l'opinion publique ne leur prêtent pas l'attention urgente et requise ou encore et surtout lorsqu'ils sont commis dans le pays et sous le silence complice de Aung San Suu Kyi que nous avons défendue et soutenue dans sa propre lutte contre l'arbitraire, l'oppression, le déni de liberté et de dignité.
Je me suis résolu à réagir de la sorte à l'égard de ce massacre car je me suis senti personnellement trahi, tout comme tant d'autres observateurs par l'attitude incompréhensible et le silence insolent de celle qu'on croyait à jamais une icône des libertés et de la lutte contre l'oppression et l'arbitraire. Je me rappelle des différentes interventions de la délégation tunisienne à l'ONU en Commission des Droits de l'Homme en soutien à la lutte de Aung San Suu Kyi et des nombreuses manifestations organisées par les sympathisants de cette battante devant le siège de l'Organisation des Nations Unies à New York et des arrêts que je faisais personnellement à chaque fois, pour quelques minutes, devant les nombreux sit-in en hommage à la lutte de cette "Grande Dame".
Je me rappelle également de Mr. Lee mon chauffeur à New York, lui-même birman, opposant à la junte militaire de son pays et leader de la communauté des refugiés politiques birmans à New York que j'introduisais à mes collègues diplomates et notamment membres du Conseil de Sécurité ou encore ceux en charge de la Commission des Droits de l'Homme pour qu'il puisse leur rendre compte des réalités qu'endurait son pays, à l'époque sous les bottes implacables de junte qui le gouvernait. Cet homme était d'un dévouement et d'une abnégation sans faille. Politisé à outrance et d'un engagement extrême pour la cause de son pays, il impressionnait tous ses interlocuteurs. Pour moi, et surtout pour mes enfants jeunes adolescents mais déjà politisés et attentifs à sa cause, il était tout simplement un membre de la famille tellement son honnêteté infaillible et sa grandeur d'âme s'ancraient dans son comportement de tous les jours. Je suis certain que Mr. Lee, que je n'ai plus retrouvé à New York lors de mes autres séjours, ne peut lui-même que compatir avec les Rohingyas victimes dans son pays et le leur de cette volonté d'annihiler leur ETRE.
J'ai relu aujourd'hui même, à plusieurs reprises, le discours d'acceptation du Prix Nobel Pour la Paix prononcé le 10 Décembre 1991 à Oslo par le fils de Aung San Suu Kyi au nom de sa mère, à cette époque encore sous résidence surveillée et je me suis rendu compte que depuis lors, aucune des promesses faites n'a été tenue et l'actualité dramatique des Rohingyas constitue une preuve implacable de la volonté délibérée de les exterminer.
Comme tant d'autres voix, j'appelle le Comité du Prix Nobel pour la Paix à prendre la courageuse décision de retirer le prix qui a été décerné en 1991 à Aung Sun Suu Kyi afin de donner un véritable sens à cette illustre distinction et démontrer que ce Prix, ne peut en aucun cas devenir une couverture pour commettre ou encore laisser faire de telles atrocités.
Je souhaite à cet égard répliquer au Comité du Prix Nobel que même si les procédures en vigueur ne prévoient pas le retrait de cette distinction, une déclaration formelle du Comité doit rappeler à Aung Sun Suu Kyi et à tous ceux qui ont eu l'honneur et le privilège d'avoir été élevés au rang de cette illustre distinction que le prix Nobel pour la paix doit se mériter à vie. Et que pour ce faire, un mécanisme de suivi pourrait être établi par le Comité du Prix Nobel afin que cette distinction conserve son aura et pour que l'on ne verra pas un jour qu'un détenteur du Prix Nobel pour la Paix soit traduit devant la Cour Pénale Internationale!
Othman JERANDI, Amb
Ancien Représentant Permanent auprès des Nations Unies,
Ancien Ministre des Affaires Etrangères, Tunisie
NB. Ces remarques ont été adressées au Comité du Prix Nobel Septembre 2017
oooooooooo
So that a Nobel Prize winner doesn't become a criminal against humanity
No one can remain insensitive to the painful twists and turns of this tragedy that the ROHINGYA minority in Myanmar is enduring. Systematic and indiscriminate acts of violence, killings and massacres against this ethnic and religious minority are carried out daily and for several years now in a worrying and unglamorous international silence.
In the country of Aung San Suu Kyi, Nobel Peace Prize winner in 1991, now Prime Minister in the current political nomenclature, claiming to be in the lineage of Ghandi in his non-violent struggle for peace and democracy, is unfortunately today exposed as nothing but a mere silent spectator insensitive to these massacres, making the situation even more intolerable. For such tragedies, whatever their motives and perpetrators may be, are even more worrying when international organizations, political leaders, medias and public opinion do not give them the urgent and necessary attention. It is even more appalling to realize that these crimes are committed in the country and under the complicit silence of Aung San Suu Kyi, whom we have defended and supported in her own struggle against arbitrariness, oppression, denial of freedom and dignity.
I resolved to respond in this way to this massacre because I felt personally betrayed, as did so many others, by the incomprehensible attitude and insolent silence of someone who was once thought to be an icon of freedom and the fight against oppression and arbitrary acts. I recall the various interventions of the Tunisian delegation to the UN in support of the struggle of Aung San Suu Kyi, and the many demonstrations organized by her sympathizers in front of the United Nations headquarters in New York and the stops I personally made each time for a few minutes in front of the many sit-ins in homage to the struggle of this "Great Lady".
I also remember Mr. Lee my driver in New York, a Burmese himself, opposing the military junta of his country and leader of the Burmese political refugee community in New York, whom I introduced to my fellow foreign diplomats in charge of the Security Council and the Human Rights Commission so that he could give them an account of the realities his country was enduring, at the time under the relentless boots of the junta that governed it. He was a man of unfailing dedication and self-sacrifice, overly politicized and committed to the cause of his country - a great man who has always impressed all his interlocutors. For me, and especially for my young teenage children who were already politicized and attentive to his cause, he was simply a member of the family, so much so that his infallible honesty and greatness of spirit were anchored in his everyday behavior. I am sure Mr. Lee, whom I have not been able to find when I returned to New York, can only sympathize with the Rohingya victims in their country of this deliberate will to annihilate their very existence.
I have reread today and on several occasions, the acceptance speech of the Nobel Peace Prize winner given on 10 December 1991 in Oslo by the son of Aung San Suu Kyi on behalf of his mother, and I have realized that since then, none of the promises made have been kept and the dramatic news of the Rohingya acts as relentless proof of the deliberate will to exterminate them. Like so many other voices, I call on the Nobel Peace Prize Committee to take the courageous decision to withdraw the 1991 award to Aung Sun Suu Kyi in order to give true meaning to this illustrious distinction and to demonstrate that this distinction, however illustrious it may be, can in no way become a cover for such atrocities.
I would like to point out to the Nobel Prize Committee, that even if the current procedures do not foresee the withdrawal of this distinction, a formal statement by the Committee must remind Aung Sun Suu Kyi, and all those who have had the honor and privilege of having been elevated to the illustrious distinction, that the Nobel Prize must be earned for life. To do so, a follow-up mechanism should be set up by the Nobel Prize Committee to not only ensure that this distinction retains its aura, but also to avoid seeing a Nobel Peace Prize brought before the International Criminal Court!
Othman JERANDI, Amb
Former Permanent Representative to the United Nations,
Former Minister of Foreign Affairs, Tunisia
NB: these remarks have been sent to the Nobel Prize Committee on September 2017.
La campagne engagée contre l'inaction complice de Aung San Suu Kyi, a commencé à donner ses fruits puisque Amnesty International vient de lui retirer le 12 Novembre 2018 son prix "d'Ambassadrice de Conscience" qui lui a été décerné en 2009. Amnesty International lui reproche son silence à l'égard du génocide commis par les généraux birmans à l'égard des Rohingyas, en dépit du rapport "d'établissement des faits des Nations Unies", présenté devant le Conseil des Droits de l'Homme dénonçant le génocide. En Août 2018 la Ville d'Edimboug, en Ecosse avait également retiré son "Prix de la Liberté" à l'intéressée et en mars 2018 c'est le Musée de l'Holocauste de Washington qui l'a déchue d'un prix qui lui a été décerné pour son combat contre la dictature et en faveur des libertés
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