clin d'œil




Clin d'œil

     En reprenant certains ouvrages que je n'ai pas pu lire faute de temps ou encore par l'effet de mon nomadisme professionnel, je viens de terminer la lecture d'un livre autobiographique de l'Ambassadeur britannique Archie Mackenzie qui était en poste à Tunis en 1970. Intitulé "Faith in Diplomacy"[i] (croire en la diplomatie).Ce livre  dans lequel il retrace sa carrière de diplomate, est un parcours fort sympathique d'une riche carrière l'ayant emmené entre autres, en Yougoslavie, en Birmanie, à New York, à Tunis etc...
    
      Intitulée  "learning arab ways" (apprendre les manières arabes), la partie consacrée à la Tunisie débute par  la description  de la résidence de l'Ambassadeur, "répertoriée dans les cercles diplomatiques  britanniques comme étant la plus belle des résidences que compte le Royaume". Il y a décrit dans les détails les plus infimes cette résidence acquise gracieusement vers 1856 et dans laquelle une plaque commémorative indique qu'elle a servi durant la Campagne Nord-Africaine de 1943 de résidence  au Général Alexander, devenu plus tard le " Maréchal Lord Alexander de Tunis"  ou encore de résidence pour le Ministre résident en Afrique du Nord du Gouvernement Churchill, Harold Macmilan. L'Ambassadeur Mackenzie n'a pas été vraiment "bavard" sur son passage dans notre pays en raison peut-être, selon ses dires, du "peu d'évènements ayant eu lieu en Tunisie" durant son séjour  de 1970  à 1973 sauf  la visite du Colonel  Gaddafi à Tunis et le discours du Palmarium quand Bourguiba "surgit" sur le podium pour improviser l'allocution historique que nous connaissons tous et qui semble à raison d'ailleurs, avoir marqué l'esprit de cet Ambassadeur
.         
      Ce qui a par contre retenu mon attention dans cette autobiographie c'est le sens élevé de l'attention accordée par l'Ambassadeur Mackenzie à l'égard de la Tunisie lorsque Mohamed Masmoudi, alors Ministre des Affaires Etrangères allait effectuer sa première visite officielle à Londres. l'Ambassadeur Mackenzie avait à l'occasion suggéré à sa capitale de faire un geste symbolique de bonne volonté à l'égard de la Tunisie en restituant, lors de cette visite une  tablette de pierre provenant des ruines romaines de Dougga et qui séjourne au Musée de Londres depuis près d'un Siècle. 
        
      Selon l'Ambassadeur, cette pierre qui renferme des inscriptions non pas latines mais phéniciennes intéresserait les archéologues en ce sens qu'elle avait été déplacée depuis des milliers d'années de Carthage à Dougga après la destruction de cette ville punique  par les Romains. Et l'Ambassadeur de nous confier, non sans embarras, "que les guides culturels qui faisaient visiter les ruines de Dougga à des milliers de touristes et autres chercheurs, ne manquaient pas de leur montrer à chaque fois l'ancien emplacement de cette tablette punique tout en précisant qu'elle avait été subtilisée au 19ème Siècle par un Capitaine de Vaisseau  britannique". Par cette restitution, estime l'Ambassadeur, Londres ferait ainsi fait d'une pierre deux coups, à savoir, marquer un geste à l'endroit de la Tunisie tout en éliminant par la même occasion une source de  propagande malsaine contre le Royaume-Uni.
          
      Jusque là tout parait normal sauf que L'Ambassadeur Mackenzie nous fit part dans ce livre de sa déception à l'égard de la réponse qui lui a été réservée par le British Museum qui a "qualifié sa suggestion d'inappropriée sinon de non patriotique". Et comme pour atténuer un tant soit peu cette fin de non-recevoir, Il a indiqué en bon diplomate que certains pourraient peut-être croire que cette  tablette punique serait mieux préservée au Musée de Londres, plutôt que sous les "tempêtes désertiques de Dougga" et "contribuerait ainsi mieux à la culture internationale en étant exposée dans de fameux Musées plutôt que dans des lieux aussi lointains"! 

     Tout en gardant son flegme  très britannique, Archie Mackenzie n'a pas manqué de souligner qu'en pensant à cette question, il garde à l'esprit  que le Royaume-Uni  occupe, à Tunis et à titre gracieux, depuis plus d'un siècle  cette résidence dont nombreux sont les diplomates britanniques qui rêvent d'y être logés! Et comme pour insister sur sa vision des choses, il nous confie qu'il a découvert lors de l'une de ses visites à Londres que cette tablette punique n'était  en fait "admirée" que par le staff du British Museum puisqu'elle se trouve entassée avec divers autres objets dans un dépôt en raison de l'exigüité des espaces d'exposition dont dispose cet illustre Musée.

      Dans le même ordre d'idées, l'Ambassadeur Mackenzie précise qu'il est arrivé à Tunis juste après "des inondations[1] que l'Afrique du Nord n'avait pas connues pareilles depuis 500 ans". Il a indiqué dans ce contexte que de nombreuses personnes y avaient perdu la vie  en même temps que des milliers de vestiges d'origine romaine avaient émergé des sables où ils étaient enfouis depuis à  peu près deux milliers d'années" . Et là, il nous révèle qu'il dispose lui-même de deux  assiettes romaines qui lui ont été offertes par le gouverneur de Sousse de l'époque et qui ornent aujourd'hui les murs de sa propre demeure!

        En fait, ces deux assiettes romaines, ne seraient-elles pas mieux dans le célèbre Musée du Bardo ? Je crois que oui car selon la même logique implacable de l'Ambassadeur Mackenzie, elles profiteraient certainement plus aux visiteurs et autres chercheurs et historiens tunisiens et étrangers qui viennent contempler les milliers d'objets précieux qui ancrent la Tunisie dans une fabuleuse logique Historique plusieurs fois millénaire.

A méditer!








[i] Archie Mackenzie, "Faith in Diplomacy", CAUX BOOKS,GROSVENOR BOOKS, 2002
 1.  celles de 1969

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